~ Maître-Mots ~

La porte de l’ascenseur s’ouvre sur une femme superbe aux formes sompteuses.
Mon voisin ouvre de grands yeux ronds.
Les magnifiques yeux soigneusement réhaussés de noir se posent sur chacun des deux passagers de ce petit espace.
Instantanément ils allument au fond de mon être le feu du désir.
Elégamment maquillée, son chemisier blanc, strict, est tendu par une poitrine orgueilleuse qu’elle cherche à cacher en vain derrière son dossier de carton rouge.
Ses jambes galbées sont gainées de nylon noir.
Elles viennent se nicher sous sa jupe sombre et élégante.
Perchée sur les talons de ses escarpins, sa démarche fait se balancer ses hanches de façon sensuelle.
Un simple pendentif rose cerclé d’argent embellit son cou au port altier.
Elle s’installe devant les lourds battants qui se referment et nous tourne le dos.
Mon voisin de droite a le regard qui se pose sur les courbes de la demoiselle.
Je ne peux empêcher mon regard de faire de même.
D’un coup d’œil par-dessus son épaule elle nous toise. Froide. Pincée.
Elle me plait.
La fragrance de son parfum s’infiltre en moi et je me surprends à avoir envie de saisir son cou pour l’embrasser.
Une envie folle de poser mes lèvres et mes dents sur sa peau pâle me submerge.
Les portes s’ouvrent et c’est en s’éclipsant qu’elle nous lance un dernier regard.
Je crois la voir sourire lorsque nos regards se croisent.
« Belle, hein ? », me dit mon voisin.
Je maugrée une réponse.
« Mais inaccessible, vous pouvez me croire ».
Je ne lui accorde pas une once d’intérêt supplémentaire car je sens venir les plaisanteries grivoises qui me semblent déjà déplacées.
Il sent ma froideur et se renfrogne jusqu’à ce qu’il disparaisse même de mes pensées.
Seules me restent en mémoire ses deux phrases, et la flamme que j’ai vu danser dans ses yeux.
« Inaccessible... Vraiment ? »

A suivre…