Le blog de M.

Un costume de soirée, noir.

La veste pourrait paraitre trop large n'importe où ailleurs avec ce cette cape sombre jetée sur les épaules et qui fait apparaitre le col de soie argenté et volumineux sur un petit gilet de satin noir, une tenue au charme désuet.

Seuls, au travers des fentes laissées par le masque de jais parcouru d'arabesques diaphanes, filaments d'argent, les yeux bleus aciers percent l'impassible visage dissimulé pour moitié.masque.jpg

La bouche est fine, close.

Les mains revêtues de gants blancs portent deux coupes où pétillent des gouttes d'or.

L'homme à la démarche souple fend la foule aux visages dissimulés comme le sien.

Il se campe face à une femme un peu plus petite que lui.

Entièrement vêtue d'une longue robe aussi sombre que ses escarpins de cuir.

Fendue sur toute la longueur, elle dévoile des jambes gainées de nylon.

Sur ses épaules, un châle aux courbes sinueuses évoque, dans ses reflets moirés, les teintes d'une forêt primaire.

Les épaules presque nues, le corsage révélant une générosité féminine subtile, de minces bandes spiralaires de tissu vert tendre mettent en valeur les formes admirables de cette femme elle aussi masquée.

Son visage ovale au teint pâle ne laisse entrapercevoir sous le masque blanc que ses yeux d'émeraudes piquetés d'or et sa bouche délicieuse et légèrement rosie.

L'une des coupes cristallines lui est tendue.

Immobiles, dans les mouvements d'autres masques qui passent autour d'eux, le couple inconnu se fait face, alors que les violons traditionnels s'accordent aux rythmes plus modernes d'une pulsation scandée, mélange de genres et d’époques dans un cadre intemporel peuplé de dissimulateurs.

Sans un mot l'homme campé devant elle l'observe d'un regard intense.

La femme se saisit sans un mot de la coupe offerte, hypnotisée et surprise.

Elle frôle la main gantée, se surprend à en apprécier le contact et prolonge l'observation de ce chevalier servant à l'allure volontaire.

Il admire l'apparente ingénue, et laisse sa main sous la sienne avant de lui abandonner l'offrande.

Autour de lui les autres masques disparaissent, deviennent flous.

Seule ce sourire pourpre et les pierres précieuses de son regard semblent exister.

Elle porte à ses lèvres le délicieux breuvage frais alors que son cœur s'affole.

Ils boivent de concert, face à face, entre affrontement et découverte.

Les murs aux tentures somptueuses, le sol de marbre, les décors de ce palais s'estompent... Les battements de cœur se font plus rapides... les regards détaillent les lignes masculines et féminines qui les troublent... en miroir opposé, ils se contemplent sans un mot.

L’audacieux et la surprise.

De la pointe de son gant sur le verre il fait reprendre connaissance à cette femme qui perdait pied dans ses pensées confuses.

L'homme repose son verre et l'invite à l'accompagner en lui offrant son bras.

Elle déglutit doucement, fait tourner l'objet entre ses doigts, indécise, entre l'envie et le refus.

Venue ici pour la soirée de fin de séminaire, elle ne s’attendait pas à se retrouver envoutée par un étrange étranger.

Surprise, elle accepte, ne contrôlant plus son corps, sa morale un temps étouffée par la passion.

Elle pose sa main délicatement sur le bras masculin.

A chaque pas, sa cuisse se dévoile.

Le chevalier servant en admire le galbe dans les miroirs biseautés qui renvoient leur image.

Il apprécie également les regards envieux qui se distinguent au travers des fentes de masques chez les autres hommes, accaparé par son allure féline, son déhanché subtil, les formes pleines de sa poitrine soutenue.

Elle suit l'homme au visage fermé qui avance d'un pas lent au milieu du palais improbable.

Aux côté de ce sombre individu elle avise les pincements de lèvres de certaines femmes qui paraissent l'envier. Ses joues rosissent à cette idée. Un sentiment étrange la parcourt… la gène… la fierté… et cette boule de tension qui semble monter du creux de son ventre pour se faufiler dans tout son corps.

Un escalier de marbre...

Chaque marche force sa robe à se découper jusqu'à la taille.

Elle n'ose regarder les quelques individus en contrebas qui doivent avoir sur ses bas couture et ses cuisses, une vue intégrale.

Son corps s'échauffe malgré elle.

Il sent la main délicate se serrer sur son bras.

En tournant son regard vers elle il peut admirer son cou gracile et la naissance de la vallée de ses seins entre lequel pend une pierre d'émeraude encerclée.

Sa robe émet un frôlement délicat et suave à chaque montée.

Ses tempes battent plus fortement sous le masque, et il se surprend de son effronterie à l'avoir approché. Loin de lui l’idée même d’être venue avec cette hypothèse en tête ce soir. L’effet « masque » aurait-il eu raison de sa timidité ? Il sourit intérieurement et sent son bas ventre entrer en émoi.

Les notes s'envolent.

La mélodie accompagne leur montée de l'escalier comme d'autres personnes en descendent, un serveur en livrée les doubles et un couple accoudé à la balustrade de marbre éclate de rire en se dévorant du regard.

Ils s'extraient du milieu de cette foule bigarrée et dissimulée pour atteindre un couloir en hauteur, où les sons sont plus étouffés.

Elle s'approche de son corps, entre le désir d'être plus près et l'anxiété d'un lieu inconnu, donnant le bras à un individu qu'elle ne connait pas.

Dans la galerie de soieries il hume sa fragrance qui l'enivre. Un parfum nouveau qu'il décèle peu à peu chez cette femme pour qui il se découvre une attirance animale incontrôlable.

Elle ne lâcherait son bras pour rien au monde, aimantée.

Il défie les quelques autres hommes qu'il croise du regard, possessif et assuré.

Entre les œuvres d'un autre temps, leurs pas les amènent de détours en détours, toujours plus loin dans le labyrinthe de ce lieu hors norme.

Les statues d'ivoire et de stuc ne sont que de pâles copies face à la beauté féline de cette femme à qui il jette un regard perçant et gourmand.

Elle le suit en confiance, ses jambes en coton mais bercée par l'ambiance et rassurée par l'allure de cet homme dont elle ignore le nom.

Dans un coin un couple s'embrasse.

Elle est surprise et marque un temps d'arrêt.

Il la regarde, n'esquissant toujours aucun sourire. Ses yeux azurs la rassurent.

Après tout… qu’importe ?

La moquette étouffe les pas.

La folie vénitienne les entoure.

Quelques murmures proviennent d'un petit salon où des hommes discutent avec sérieux.

Un léger rire s'échappe d'un couloir latéral.

Elle se rapproche de lui, ses sens en alerte.

Les convives de la salle de bal ne se font plus entendre.

Un angle de couloir... la galerie se prolonge.

Elle se surprend à avoir peur... est-ce l'ivresse du champagne ? L'audace des lieux ? Ou bien ce regard magnétique ? Mais où l'emmène t-il ? Contre toute attente elle se colle à lui, rassurée instinctivement par sa présence au lieu de se méfier. Son corps est instinct…

Il s'arrête.

Le couloir faiblement éclairé lui est inconnu. Cette femme à son bras lui parait fragile et désirable. Qui est-elle ? Pourquoi ses yeux l'ont-ils charmé en un seul instant ? Comment a t-il osé s'emparer de sa proximité ? Est-ce l'ambiance de la ville ? La cire qu'il revêt ?

Il détache ses yeux des siens, lentement, comme à regret.

Elle serre la main au travers du gant.

Les yeux de l'homme se posent sur les doigts fins de cette femme splendide.

Elle est apeurée, rassurée, en conflit avec ses émotions.

Il relève la main délicate de sa compagne improbable pour placer entre un bijou d’or.

Ornée d'une alliance, la main parle plus que tous les discours.

Il attarde son regard sur cet anneau qui le défie et le contrarie avant de plonger ses yeux dans les lacs verts de la femme à la respiration plus forte.

Elle reprend contact avec la réalité, sa réalité, celle qui se rappelle à elle par le biais de cet anneau d'or.

Elle voudrait à ce moment, le voir disparaitre de sa phalange comme par magie.

Lentement la seconde main de cet homme qu'elle a suivi vient caresser la bague qu'elle porte.

Il la fait tourner autour de son doigt.

Elle regrette de ne pas avoir ôté ce bijou... pour une fois... stigmatise t-il la fin d'un rêve et l'issue de cette soirée ?

Elle rougit sous le masque et le regarde, tente de le rassurer sans une parole.

Serti de diamants, les reflets qu'il renvoie disparaissent dans la main qui enserre l'annulaire.

Son cœur fait un bond dans sa poitrine alors qu'elle sent la pression devenir plus intense autour de son doigt.

Il ose, il affronte du regard cette femme mariée sans savoir l'issue de son geste amoral.

Avec délicatesse il saisit l'anneau et le fait disparaitre du doigt manucuré.

Au centre de sa main il semble peser un poids incomparable.

Elle frotte son doigt libre, libéré, et en éprouve une tourmente de sensations.

Lentement, avec précaution, la main se referme autour de l'alliance et elle disparait dans le gant blanc de l'homme qui la fixe.

Son corsage se gonfle, incrédule, observatrice.

Il s'approche d'elle.

Elle caresse son doigt vide, sensations de froid, de chaud. Ses seins se tendent malgré elle.

Leurs visages de cire proches l'un de l'autre.

Il la respire, la hume.

Elle retient sa respiration, savourant le souffle de l'homme, son visage oscille de droite à gauche, délicatement pour l'apprivoiser, le chercher... ses barrières baissées elle a soudain envie de ce voleur de cœur, de corps… de femme.

Il se délecte de son parfum féminin.

Il savoure son corps aux courbes sensuelles qui s'abandonne imperceptiblement. Encore surpris de son audace, il la désire dans chaque pouce de son être.

Il pose ses lèvres sur la peau velouté de son épaule.

Un baiser délicat, celui d'un amant.

Un baiser volé avant qu'il ne se recule pour l'admirer une nouvelle fois.

Sa respiration s'est faite plus profonde, elle a offert son cou en inclinant sa tête doucement.

Elle ferme les yeux alors qu'il replonge vers elle.

Une légère morsure...

Elle s'électrise.

Il se rapproche d'elle.

Leurs corps se frôlent...

Très proches… trop… pas assez… tels deux adolescents ils se cherchent en se refusant, s’attardent et se désirent.

La peau de cette femme est un délice et la morsure se fait plus forte.

Enivré par son gout divin il pose ses dents et ses lèvres pour tenter d’en vampiriser l’essence même de sa sensualité féminine.

Elle glisse ses mains sur les hanches de son chevalier, incline son visage et lui offre le creux de son épaule dans un feulement de plaisir.

Il pose le bout de sa langue sur la peau d’une incomparable douceur.

Elle sent le contact du costume sous ses doigts et le corps tendu de l’homme qui l’embrasse dans un couloir princier.

Et si quelqu’un venait ? Elle se surprend à s’en moquer, une chaleur délicieuse émanant du corps de mâle au travers du tissu.

Elle ose appuyer ses mains sur les hanches dominatrices comme pour se prouver qu’elle ne rêve pas.

Il place ses mains de part et d’autres de sa conquête… apposées sur le mur du fond… son torse en suspension à quelques millimètres de celui qui se soulève plus fort à chaque respiration.

Il remonte son visage face au sien.

Elle le sait réel entre ses mains.

Nez à nez.

Les regards se dévorent, se fouillent pour y lire les envies, la personnalité, les accords…

Il fait se frôler sa poitrine sur la robe de sa complice et y sent les pointes tendues de ses seins.

Elle ne peut plus cacher son émotion, trahie par son corps que la fine robe ne peut camoufler.

Il se presse doucement contre elle.

Une seconde peau noire vient se poser sur elle. Elle se sent nue… découverte.

Et la raideur de son entrejambe la fait rougir.

Il vient de placer sur son bas ventre le signe ferme de son désir d’elle, grisé par cet anneau qu’il tient encore dans son poing serré.

Dos au mur elle mesure l’écart entre la force et la chaleur de l’homme qui la plaque à celui-ci et sa fraicheur trop impersonnelle.

Elle voudrait à cet instant précis, s’y abandonner… Oublier… n’être qu’à lui.

C’est alors que le mur s’efface derrière elle, s’escamote et l’emporte en arrière.

Surprise, retenue par un bras musclé, elle pousse un petit cri de surprise alors qu’elle pénètre dans une pièce sombre.

Il repousse la porte contre laquelle ils étaient appuyés, sans la fermer, laissant ainsi un peu de clarté filtrer en rai de lumière.

Elle reprend son souffle après cette stupeur.

Les yeux encore écarquillés et ose une question… « Où… ? »

Mais son murmure se perd dans la capiteuse ambiance de ce petit salon désert.

Il est envouté par ce premier son… un chant de nymphe…

Il la plaque alors contre le long mur de moulures près du chambranle de la porte.

Eclairés de côtés, leurs masques ne cachent qu’une face de leurs visages.

Elle ondule son corps et vient poser ses hanches sur l’entrejambe de son énigmatique vis-à-vis en une attitude sans équivoque.

Leurs parts sombres prennent le pas sur leurs traits et leurs morales…

 

A suivre…

Mer 2 mai 2012 Aucun commentaire